Fasc. 626: INSCRIPTION DE FAUX
Irène
Tallon
Docteur
en droit
Avocat
honoraire au barreau de Clermont-Ferrand
Maître
de Conférences honoraires à la Faculté de droit
Refondu
par Raymond Martin
Docteur
en droit
Avocat
honoraire
POINTS-CLES
1. - Seuls les actes authentiques sont susceptibles de l'inscription de faux (V. n° 1 à 4).
2. - Le faux peut être matériel ou intellectuel (V. n° 5, 6).
3. - L'action civile et l'action pénale sont indépendantes, sauf la possibilité pour la juridiction civile de surseoir à statuer s'il existe une poursuite pénale (V. n° 37 à 47).
4. - Les juridictions d'exception ne peuvent connaître de l'inscription de faux (V. n° 80 à 88).
5. - La demande doit être précédée d'un acte d'inscription de faux (V. n° 89).
6. - L'incident de faux peut être soulevé à titre principal ou à titre incident (V. n° 92 à 98).
7. - Une procédure spéciale est prévue pour la Cour de cassation (V. n° 100 à 110).
INDEX
Acte d'inscription de faux, 48, 80, 89
Actes authentiques, 7
– de l'état civil, 12
– de l'expert judiciaire, 35
– du juge, 24
– du notaire, 8
Amende civile, 75
– pénale, 37
Aveu, 70
Compétence
Faux incident, 49, 83
– principal, 89
Cour d'appel, 50
– de cassation, 99
Défendeur (déclaration), 91, 95, 106
Demande
Faux incident, 55, 84
Demande
Faux principal, 92
Dénonciation au défendeur, 95
Domaine de l'inscription de faux, 5
Dommages-intérêts, 77
Enquête, 65
Exécution de l'acte, 73
Expertise, 68
Faux devant la cour d'appel, 50
– devant la Cour de cassation, 100
– – une juridiction d'exception, 80
– – le tribunal de grande instance, 49, 55, 89
– incident, 3
– intellectuel, 5
– matériel, 5
– pénal, 37
– principal, 89
Juge de l'exécution, 47
Jugement sur le faux, 73
Juridiction d'exception, 80
Ministère public, 71
Moyens du faux, 53
Non-lieu, 41
Pouvoirs du juge, 53, 64
Procédure
Faux incident, 55
– principal, 89
Procès-verbaux de l'huissier de justice, 17
– – du juge, 31
Question préjudicielle, 38
Sursis à statuer, 39, 43
Transaction, 71
Généralités
1. – Le Nouveau Code de procédure civile sépare en deux chapitres distincts "les contestations relatives aux actes sous seings privés" et "l'inscription de faux contre les actes authentiques" ; ces chapitres sont groupés en un sous-titre sous l'intitulé : "Les contestations relatives à la preuve littérale".
La distinction est fondée sur la nature de l'acte contesté.
Si la contestation porte sur une écriture privée, on procède à une vérification
d'écriture, même en cas de faux. Si elle porte sur un acte authentique, il y a
lieu de procéder par la voie de l'inscription de faut (Cf. Solus et Perrot,
Droit judiciaire privé t. III, n° 666, Sirey 1991).
2. – Le présent fascicule devrait s'intituler d'un point de vue rigoriste : "l'inscription de faux contre les actes authentiques", selon la terminologie du code. mais par métonymie, il est loisible de s'en tenir à "l'inscription de faux" ; en effet la procédure de faux contre les actes authentiques se caractérise à son début par une déclaration dite inscription de faux qui ne se retrouve pas dans la vérification d'écriture des actes sous seings privés. L'inscription de faux est spécifique au faux en matière d'actes authentiques.
3. – Le "faux incident civil" du Code de
procédure de 1806 était soumis à une procédure exceptionnellement longue et
complexe qui ne comportait pas moins de trois étapes successives, ponctuées par
trois jugements : sur la recevabilité de l'action, les moyens de
l'établissement du faux et la matérialité du faux. Elle ne concernait que le
faut incident, c'est-à-dire celui qui était dénoncé au cours d'une instance où
la pièce était produite ; il n'y avait pas d'action principale en faux (sur
l'historique de cette procédure cf. Solus et Perrot, op. cit., t. III, n°
670).
La matière a été profondément rénovée par le décret n° 73-1122 du 17 décembre 1973 dans le sens de plus de simplicité et de rationalité. Les dispositions de ce décret ont été intégrées dans le Nouveau Code de procédure civile sous les articles 303 à 316.
4. – Le chapitre sur "l'inscription de faux
contre les actes authentiques" comprend deux sections ; la première sur
"l'inscription de faux incidente", la seconde sur "l'inscription
de faux principale". Cette dernière constitue une nouveauté (V. supra n° 3).
Le domaine de l'inscription de faux est le même, qu'elle soit soulevée comme incident à une instance principale, ou qu'elle fasse elle-même l'objet d'une instance principale. Les règles de procédure sont pour certaines analogues, pour d'autres différentes. Les effets du jugement sur le faux sont les mêmes. Les développements qui suivent sont en conséquence très largement communs à l'inscription de faux incidente et à l'inscription de faux principale. Seuls ceux qui ont trait à la procédure suivie font la distinction entre le faux incident et le faux principal (III, IV et V).
Domaine de l'inscription de faux
I. –Faux matériel et faux intellectuel
A. –
5. – En ce qui concerne les écritures privées,
seul un faux matériel peut ouvrir la voie à une procédure de vérification
d'écriture, alors que la vérité des actes authentiques, et par suite leur force
probante, peut être altérée soit matériellement soit intellectuellement. Il
importe donc d'élucider cette distinction :
a) Le faux matériel est l'oeuvre d'un faussaire. Il peut
consister en la fabrication par le faussaire d'un acte ex nihilo, ou
encore en la falsification ou l'altération partielle d'un acte véritable par
des ratures, additions, surcharges.
b) Le faux intellectuel ne comporte aucune falsification matérielle a posteriori de l'acte, aucune intervention sur l'instrumentum. Il consiste pour le rédacteur de l'acte authentique, qui est nécessairement un officier public, à énoncer des faits ou à rapporter des déclarations inexactes.
Par exemple, le notaire affirme dans l'acte que le prix de vente a été versé à sa vue, alors que c'est inexact ; ou encore qu'un testament a été dicté par le testateur alors que celui-ci n'a donné que quelques indications ou a répondu par oui ou par non à des questions ; l'huissier de justice antidate un acte de signification alors qu'un délai est expiré.
6. – Le faux intellectuel est, on le comprend, propre à l'acte authentique. Il n'est pas concevable dans les écritures privées, car le droit français donne effet à la volonté vraie mais secrète, non déclarée, des parties, et camouflée sous une expression de volonté apparente, mais fictive. Si une personne veut paralyser les effets d'un acte sous seing privé ostensible et qu'elle prétend mensonger, elle doit utiliser non pas la procédure de déclaration de faux, mais l'action en déclaration de simulation.
Il en va tout autrement d'un acte authentique. La relation par un officier public de faits qu'il affirme s'être produits en sa présence ne doit pas dénaturer la vérité, mais la traduire fidèlement ; c'est la fonction donnée à l'officier public. Celui-ci ne peut sciemment prêter son concours à la rédaction d'un acte simulé. Il est cru a priori sur parole et c'est pourquoi l'on dit que l'acte qu'il a dressé vaut preuve "jusqu'à l'inscription de faux", autrement dit jusqu'à ce qu'une procédure d'inscription de faux ait établi la fausseté de l'acte. Chose grave, car le faux intellectuel, sciemment commis, constitue pour l'officier public une infraction pénale. C'est dire que l'inscription de faux contre un acte authentique se présente comme une éventualité rare.
"Mais si le rédacteur de l'acte a recueilli une
déclaration (en soi) mensongère, dont il n'avait pas pour mission de vérifier
l'exactitude, la procédure d'inscription de faux n'a plus sa place : en pareil
cas, la vérité peut être rétablie par tous moyens de preuve du droit commun, et
au besoin par l'exercice de l'action en simulation" (Solus et Perrot,
op. cit., t. III, n° 691 in fine).
Acte authentique, objet de l'inscription de faux
B. –
7. – La procédure d'inscription de faux n'est applicable qu'aux actes authentiques, et elle l'est à tous les actes authentiques : actes de notaire, d'huissier de justice, d'officier de l'état civil, du juge, du greffier. Nous allons les examiner successivement :
1° Actes notariés
8. – Le notaire a pour fonction de donner forme et force authentique aux conventions des parties, personnes privées. Les énonciations figurant à l'acte relatives à des faits que le notaire rédacteur a pu constater lui-même, vaut preuve jusqu'à inscription de faux.
Tel est le cas lorsque le notaire affirme qu'un testament
authentique lui a été dicté par le testateur ( Cass. 1re civ., 28
févr. 1961 : JCP A 1961, IV, p. 59 ; Bull. civ. I, n° 132) qu'il a lu le
testament au testateur et que celui-ci l'a bien compris; ( Cass. 1re
civ., 29 mai 1962 : JCP A 1962, IV, p. 98 ; D. 1962, p. 627 ; Gaz. Pal. 1962,
2, 92) ou la présence de témoins instrumentaires ( Cass. 1re
civ., 9 oct. 1962 : Gaz. Pal. 1962, 2, p. 299) ou encore que le prix de
vente d'un terrain a été payé par les deux époux séparés de biens (CA Paris, 1re ch., 11 juill. 1991 :
Juris-Data n° 047800).
9. – L'inscription de faux n'est pas nécessaire lorsque le notaire énonce des faits qu'il n'a pas personnellement vérifiés ; la preuve contraire est alors possible selon le droit commun. S'il s'agit d'une déclaration relative à un fait, la preuve est libre ; s'il s'agit d'une déclaration relative à un acte juridique la preuve par écrit s'impose ( C. civ., art. 1341 s.). Le dol ou la fraude peut être prouvé par tous moyens.
Il peut s'agir de l'état mental d'une partie au moment où
elle passe l'acte ( Cass. 1re civ., 25 mai 1959 : JCP G 1959, IV, p. 86 ; Bull. civ. I, n°
265. – 28 févr. 1961, 29 mai 1962 cités supra n° 8) de la santé d'esprit du
testateur ( Cass. 1re civ., 13 avr. 1964 : JCP A 1964, II, p. 13721,
note Voirin. – 26 mai 1964 : JCP A 1964, II, p. 13751, concl. Lindon) d'un
certificat d'urbanisme joint à l'acte de vente
(CA Montpellier, 1re ch., 13 juin 1991 : Juris-Data n° 034671).
10. – Une mention portée au bas de l'acte,
après les signatures et qui ne peut valoir comme renvoi, n'est pas incorporée à
l'acte ; elle peut être déclarée nulle sans avoir recours à l'inscription de
faux ( Cass. 1re civ., 21 déc. 1971 : Bull. civ. I, n° 325).
On peut généraliser cette solution à toutes les causes de nullité. Si l'acte contient un vice qui peut être cause de nullité, il n'est pas besoin d'avoir recours à l'inscription de faux.
11. – Si une partie à l'acte entend établir qu'une déclaration du notaire dissimule une opération occulte voulue par les parties, il n'est pas besoin de passer par l'inscription de faux, car la simulation n'est pas l'oeuvre du notaire. La simulation n'entraîne pas d'ailleurs la nullité de l'acte ; c'est l'action en simulation qui doit être suivie.
2° Actes de l'état civil
12. – Si l'on veut démontrer que l'officier de l'état civil a altéré les faits qui se sont passés devant lui ou les déclarations qui lui ont été faites, l'inscription de faux est nécessaire ; il en est autrement si l'on soutient que l'officier de l'état civil a enregistré exactement les déclarations à lui faites, mais que ces déclarations étaient inexactes ou mensongères. Il faut alors procéder par une rectification de l'acte ou une action d'état.
13. – Font foi jusqu'à inscription de faux : la mention de la date de l'acte, de la personne et de la qualité de l'officier d'état civil, la mention très fréquente dans les actes d'état civil que telle personne ayant décliné tel nom et indiqué avoir tel domicile a comparu devant l'officier d'état civil et lui a fait les déclarations qui sont rapportées Mais l'identité elle-même des comparants, que ne vérifie pas l'officier d'état civil, et la véracité des faits relatés par ces comparants ne font foi que jusqu'à preuve contraire.
14. – Les actes d'état civil ont la même force probante qu'ils soient dressés par l'officier public lui-même ou par des agents communaux délégués par lui. Il y a là une nécessité de la pratique.
15. – La force probante attachée aux registres de l'état civil s'étend aux copies, expéditions, extraits des actes qui sont certifiés conformes (D. n° 62-921, 3 août 1962, art. 13). La même valeur probante est reconnue au livret de famille (D. n° 74-449, 15 mai 1974, art. 13). Il en est autrement des fiches individuelles ou familiales d'état civil qui n'ont, au regard du droit privé, qu'un rôle de simple renseignement.
16. – La reconnaissance mensongère d'un enfant naturel dans un acte de l'état civil, dès lors que seule la véracité du contenu de l'acte incriminé est en cause, ne constitue pas en soi un faux punissable, cette reconnaissance pouvant toujours être contestée en vertu de l'article 339 du Code civil par toutes personnes qui y ont intérêt et par son auteur lui-même ( Cass. crim., 8 mars 1988 : D. 1989, p. 528, note E. S. de la Marnierre). Il en résulte que cette reconnaissance mensongère ne saurait être attaquée par une inscription de faux.
3° Actes d'huissier de justice
17. – Il faut distinguer, parmi les actes
d'huissier de justice, les significations qui sont des actes authentiques et
les constats qui ne le sont pas. Les constatations faites par l'huissier de
justice, serait-il commis par justice, n'ont valeur que de "simples
renseignements". N'y est pas attachée la présomption de vérité de l'acte
authentique (Ord. n° 45-2592, 2 nov.
1945, art. 1er).
Mais les énonciations du procès-verbal qui décrivent les
opérations effectuées : date du constat, personnes présentes ou entendues,
démarches accomplies, etc. font foi jusqu'à inscription de faux alors qu'elles
émanent de l'huissier de justice (V. Solus et Perrot, op. cit., t. III, n°
949. – Ces auteurs émettent à ce sujet une opinion nuancée, du fait que
l'huissier de justice commis pour opérer des constatations le serait comme
"technicien" et non comme officier public. Une telle distinction nous
paraît trop "subtile" pour être acceptée. – V. infra n° 35).
18. – Pour ce qui concerne les significations, il faut faire le départ entre les mentions relatant des circonstances que l'huissier a pour fonction de certifier et celles qui ne font que rapporter les prétentions des parties. Seules les premières font foi jusqu'à inscription de faux. Ce sont : la date de l'acte, la délivrance de la copie, le "parlant à ..." et les formalités qui l'accompagnent (dépôt en mairie, avis de passage, lettre d'avertissement au requis, etc.).
19. – Un assez abondant contentieux s'est développé, à une époque récente, sur la validité des significations. L'annulation poursuivie de l'acte de signification a pour finalité d'empêcher qu'un délai ait couru et soit expiré. À cette occasion, les tribunaux ont à faire le départ entre ce qui peut relever de la nullité et ce qui relève de l'inscription de faux.
20. – Relèvent par exemple de l'inscription de
faux les affirmations :
- que la copie de l'acte signifié a été déposée en mairie (Cass. 2e civ., 20 nov. 1991 : Juris-Data
n° 003077. – CA Paris, 1re ch., 27 mai 1991 : Juris-Data n° 000369. – TGI
Paris, 4 avr. 1990 : Juris-Data n° 020966) ;
- que l'avis de passage a été laissé par l'huissier et que la lettre simple a
été adressée ( Cass. 2e civ., 2 avr. 1990 : Juris-Data n° 000915. –
CA Paris, 1re ch., sect. B, 10 oct. 1991 : Juris-Data n° 024361. – CA Paris,
1re ch., sect. urgences, 5 févr. 1991 : Juris-Data n° 020340. – CA Paris, 8e ch.,
sect. B, 25 janv. 1991 : Juris-Data n° 020078).
21. – Le procès-verbal de saisie-contrefaçon qui peut être dressé par l'huissier de justice, concurremment avec le commissaire de police et le juge d'instance, vaut preuve jusqu'à inscription de faux ( Cass. com., 4 janv. 1984 : Gaz. Pal. 1984, 1, pan. jurispr. p. 191). La Cour d'appel de Nancy (1re ch., 12 mars 1991 : Juris-Data n° 051438) a admis une inscription de faux contre des constatations d'un tel procès-verbal qui n'avaient pas pu être effectuées par l'huissier lui-même ; il s'agissait de constater "une fonction complémentaire d'étirement du bouchon", pour un bouchon creux, dispositif de mise en place et d'extraction du bouchon. Cette description technique était hors de portée pour les connaissances normales d'un huissier de justice.
4° Actes du greffier
22. – Le greffier est en général le porte-plume du juge et les actes qu'il écrit sont des actes du juge, qui sont ensuite avalisés par la signature du juge (V. infra n° 24). Mais il lui arrive de dresser des actes, en vertu d'un pouvoir propre, qui ont valeur authentique.
Il en est ainsi du certificat qu'il délivre, constatant dans une procédure d'injonction de payer, l'absence de contredit. Le certificat erroné peut faire l'objet d'une inscription de faux ( Cass. 2e civ., 31 mai 1976 : Bull. civ. II, n° 184). La même solution devra être retenue pour le certificat délivré par le greffier du juge de l'exécution, constatant l'absence de contestation.
La déclaration d'un pourvoi en cassation contre un jugement
du conseil des prud'hommes, dressée par le greffier de ce conseil, est un acte
authentique. La constatation qui y est inscrite que le mandataire des salariés
détenait un pouvoir à cet effet, vaut jusqu'à inscription de faux ( Cass.
soc., 22 janv. 1991 : Juris-Data n° 000285 ; Bull. civ. V, n° 35; JCP G 1991, IV, 106 ; D. 1991, inf. rap. p.
44).
La déclaration d'appel reçue par le greffier de la cour d'appel, pour les mentions de faits qu'il a pu lui-même vérifier, vaut jusqu'à inscription de faux, ou encore le contredit de compétence reçu par le greffier de première instance. Cela concerne notamment la date de la déclaration ou du contredit, la personne qui l'a fait.
23. – La procédure d'inscription de faux ne peut s'appliquer pour contester les énonciations du plumitif d'audience qui sont de simples notes dépourvues de tout caractère authentique ( Cass. soc., 18 nov. 1955 : D. 1956, p. 116 pour le greffier d'un conseil de prud'hommes).
C'est dans l'exercice de son pouvoir souverain
d'appréciation qu'une cour d'appel, statuant sur une demande d'inscription de
faux contre un arrêt mentionnant une certaine composition de la cour, dont
l'inexactitude résulterait des mentions du plumitif d'audience, estime que les
énonciations du plumitif, non signées, ne peuvent prévaloir contre la minute
régulièrement signée, et que dans ces conditions la preuve n'est pas rapportée
de la falsification alléguée ( Cass. 2e civ., 17 nov. 1977 : Bull.
civ. II, n° 220).
5° Actes du juge
24. – Les actes du juge peuvent être des actes juridictionnels (jugement, ordonnance, arrêt, etc.) ou de simples constats ayant valeur authentique parce qu'ils sont opérés par un magistrat. Nous examinerons successivement les uns et les autres.
a) Actes juridictionnels
25. – Il importe de ne pas confondre l'annulation d'un jugement pour vice de forme et l'inscription de faux contre une mention d'un jugement. L'annulation résulte de l'omission d'une des formalités prévues par le Nouveau Code de procédure civile à peine de nullité (NCPC, art. 457 à 460. – Cf. Fasc. 509), l'inscription de faux concerne une mention inexacte du jugement et tend à faire rétablir la vérité ; elle peut, si elle réussit, entraîner ensuite la nullité.
Les causes d'annulation ont été sérieusement émoussées par le Nouveau Code de procédure civile, ce qui par ricochet peut rendre inutile l'inscription de faux. Certaines doivent être soulevées dès le prononcé du jugement (art. 458, al. 2). L'omission ou l'inexactitude d'une mention ne peut entraîner la nullité du jugement s'il est établi par les pièces de procédure, par le registre d'audience, ou par tout autre moyen que les prescriptions légales ont été en fait observées (art. 459) – dans ce cas le registre d'audience (plumitif) peut prévaloir contre les énonciations du jugement – Les erreurs et omissions matérielles peuvent être réparées, alors même que le jugement est passé en force de chose jugée (art. 462). Ces restrictions apportées au champ de la nullité doivent rendre moins attrayante la dénonciation d'un faux.
Les mentions du jugement relatives au nom des juges qui en
ont délibéré font foi jusqu'à inscription de faux ( Cass. soc., 13
juill. 1999, Ivoula : Juris-Data
n° 003216).
Les décisions récentes de la Cour de cassation, que nous avons pu relever, renvoient toutes les parties à se pourvoir en inscription de faux pour rejeter un moyen de cassation ; de ce fait elles sont peu significatives. En voici un choix :
26. – Les mentions d'un jugement (du tribunal
de commerce) relatives aux conditions dans lesquelles il a été rendu, telles
que comparution des parties et audition de leurs représentants, font foi
jusqu'à inscription de faux ( Cass. com., 5 oct. 1976 : Bull. civ.
IV, n° 250. – 31 mars 1981 : Bull. civ. IV, n° 167; JCP G 1981, IV, p. 357).
27. – La mention dans l'arrêt d'une cour d'appel
selon laquelle le gérant d'une société partie à l'instance était muni d'un
pouvoir spécial ne pouvant être attaquée que par la voie d'inscription de faux,
le moyen de cassation qui conteste cette énonciation n'est pas recevable (
Cass. soc., 3 déc. 1987 : JCP
G 1988, IV, p. 52).
28. – Dès lors que l'ordonnance attaquée
relève que le texte d'une plainte n'a pas été produit aux débats, cette
constatation ne peut être contestée que par la voie de l'inscription de faux (
Cass. 1re civ., 7 févr. 1990 : JCP
G 1990, IV, p. 132).
29. – En relevant que les parties avaient
comparu devant le bureau de conciliation et qu'aucune conciliation n'était
intervenue, et ces mentions faisant foi jusqu'à inscription de faux, le juge du
fond (prud'homal) a répondu aux conclusions de l'employeur alléguant l'absence
de phase de conciliation (Cass. soc.,
20 mars 1990 : Juris-Data n° 000977).
30. – Au contraire, ne peuvent faire l'objet
d'une inscription de faux "les énonciations contenues dans les motifs par
lesquelles les juges se livrent à l'appréciation souveraine des faits de la
cause, dans l'exercice du pouvoir qui leur est reconnu par la loi" (
Cass. ord., rejet Prem. prés. 11 janv. 1979 : Gaz. Pal. 1979, 1, p. 225,
note Ancel).
b) Procès-verbaux dressés par le juge
31. – Il arrive que le juge enregistre des faits : témoignages, vérifications personnelles dont il dresse procès-verbal par la plume du greffier, ou qu'il constate l'accord des parties par un jugement d'expédient, d'adjudication, ou encore qu'il donne acte à une partie de ses dires. Il confère alors l'authenticité aux constatations qu'il fait consigner par écrit et celles-ci font foi jusqu'à inscription de faux.
32. – Il en est ainsi du procès-verbal
relatant les déclarations d'un témoin dont on prétend qu'elles ont été
inexactement rapportées ( CA Pau, 15 févr. 1962 : JCP A 1962, IV, p.
4080, note J.A.), ou du procès-verbal mentionnant que le greffier a assisté
à l'enquête si l'on veut prouver qu'en réalité il n'y était pas ( Cass.
req., 22 déc. 1891 : DP 1892, 1, p. 118).
33. – Les mentions portées par le juge dans sa
décision au sujet des déclarations des parties qu'il a lui-même recueillies et
dont il a donné acte font foi jusqu'à inscription de faux ( Cass.
soc., 20 avr. 1950 : D. 1951, somm. p. 64 ; S. 1951, 1, 93 ; RTD civ. 1951, p.
429, obs. P. Raynaud. – Pour le donné acte d'un aveu judiciaire, CA Amiens, 1er juill. 1991 : Juris-Data n°
043760).
Il en est de même pour la constatation dans un arrêt de
l'accord des parties à l'expertise ordonnée ( Cass. 2e civ., 2 nov.
1961 : Bull. civ. II, n° 713) ou encore pour la mention que les parties
s'en sont rapportées à justice ( Cass. com., 31 mars 1981 : Bull.
civ. IV, n° 167).
Fait foi jusqu'à inscription de faux la constatation du pouvoir donné à un avoué (aujourd'hui un avocat) en matière de saisie-immobilière ( Cass. 2e civ., 20 févr. 1975 : D. 1975, somm. p. 60). Le jugement d'adjudication n'est pas un acte juridictionnel mais un contrat constaté sous forme judiciaire. Il suit donc le régime des contrats notariés.
34. – Les arbitres, dont la procédure n'est
pas encadrée dans le détail par les formes du Code de procédure, sont amenés à
faire dans leur sentence des constatations d'ordre procédural. Celles-ci font
foi jusqu'à inscription de faux. il en est ainsi d'une mention constatant, à
tort, l'acceptation par les parties du report d'un délai ( CA Paris,
8 janv. 1970 : JCP G 1970, II,
16400), une communication des pièces ( CA Paris, 11 juill. 1979 :
Gaz. Pal. 1980, 1, somm. p. 88), de l'indication que des documents n'ont
pas été versés aux débats, alors qu'ils l'ont été ( Cass. 3e civ., 4
juin 1971 : Bull. civ. III, n° 358).
6° Rapports d'expert judiciaire
35. – Il coule de source que le juge ne peut être lié par les conclusions du technicien qu'il a commis, car il ne peut déléguer son pouvoir de décider. Cette évidence est confirmée par l'article 246 du Nouveau Code de procédure civile, qui fait écho au très ancien adage : "l'interlocutoire ne lie pas le juge".
Mais quant au sort qu'il doit réserver aux constatations
faites par le technicien, on peut en présenter deux visages :
- les frais constatés par l'expert ne lient pas le juge en ce que celui-ci peut
en écarter certains comme non pertinentes et en ce qu'il peut les interpréter;
- le juge n'est pas tenu de prendre pour vrais les faits constatés par
l'expert, en ce qu'il peut désigner un nouvel expert pour les vérifier ou
procéder lui-même à des vérifications personnelles.
La première proposition ne souffre aucune discussion. Sur la seconde on peut hésiter. En effet le technicien est investi par le juge d'une mission qui pourrait lui conférer les attributs de l'officier public (pour les constatations faites par l'huissier de justice, V. supra n° 18). Si une présomption de vérité jusqu'à inscription de faux était accordée aux constatations purement matérielles de l'expert, sans appréciation ni interprétation, cela couperait court à bien des contestations, souvent de mauvaise foi, dans le procès. mais ce serait lier partiellement le juge, et il est peu probable que celui-ci, qui décide, se lie ainsi lui-même.
Pourtant il nous paraît qu'on devrait au moins admettre la présomption de vérité jusqu'à inscription de faux, quand l'expert relate ses propres démarches : convocation des parties, assistance aux accès, date de la visite des lieux, reproduction d'un dire, inventaire des pièces, etc. (Cf. Solus et Perrot, op. cit., t. III, n° 933; ces auteurs paraissent peu enclins à accorder à l'expert judiciaire ce privilège).
36. – Un arrêt de la Cour d'appel de Toulouse va dans le sens de l'opinion que nous venons d'avancer (1re ch., 17 mars 1992 : Juris-Data n° 044540). La cour écrit d'une part : "Le rapport d'expertise... présente, en ce qui concerne les constatations matérielles entreprises (notamment l'énumération des pièces ayant été consultées) le caractère d'un acte authentique", et d'autre part : "il y a lieu d'observer que les critiques formulées (contre le rapport d'expertise), en ce qu'elles tendent à mettre en évidence des contrevérités ou un travail de recherche insuffisant, sont étrangères à la notion de faux intellectuel qui supposerait... que des faits inexacts aient été volontairement transcrits dans le rapport incriminé".
Rapport entre le faux civil et le faux pénal
C. –
37. – Le faux constitue une infraction pénale (C. pén., art. 441-4). Le nouveau code distingue le faux commis sur un acte authentique par quiconque de celui qui est commis par l'officier rédacteur lui-même – il s'agit alors le plus souvent d'un faux intellectuel – Le premier est un délit puni de deux ans d'emprisonnement et 1 000 000 de francs d'amende (Ord. n° 2000-916, 19 sept. 2000, 150 000 euros, à compter du 1er janv. 2002), le second un crime puni de quinze ans de réclusion criminelle et 1 500 000 francs d'amende (Ord. n° 2000-916, 19 sept. 2000, 225 000 euros, à compter du 1er janv. 2002). Des poursuites pénales peuvent interférer de ce fait avec la procédure de faux civil. Ces poursuites peuvent être déclenchées soit par le Ministère public soit par la victime elle-même à la suite d'une plainte avec constitution de parties civiles. Il importe en conséquence de tracer les frontières entre les deux instances et d'éclairer leurs incidences réciproques.
1° Indépendance de l'action civile et de l'action pénale
38. – Le faux civil tend uniquement à faire reconnaître la fausseté d'un document et non à rechercher la personne qui s'est rendue coupable de la falsification. Le but de la procédure pénale, au contraire, est de démasquer et de punir le coupable.
On peut dire que la procédure du faux est dirigée contre la pièce, tandis que la procédure pénale est dirigée contre l'auteur du faux. Ce dernier peut ne pas figurer dans l'instance civile de faux qui est dirigée contre la partie qui entend faire usage du document argué de faux. Le plus souvent toutefois, il interviendra soit volontairement soit par appel en cause.
Il y a donc une certaine indépendance de l'une et l'autre
actions. Notamment la procédure de faux civil peut être engagée alors même que
le fait matériel de la falsification ne serait ou ne serait plus susceptible de
donner lieu à des poursuites criminelles ( CA Limoges, 15 janv. 1900
: Journ. avoués 1901, p. 366).
Si le fait peut être incriminé pénalement, mais n'a pas
encore donné lieu à des poursuites, le juge civil peut recevoir la demande en
inscription de faux et peut statuer sur cette demande ( Cass. req., 5
mars 1867 : DP 1868, 1, p. 70).
Inversement, lorsque la pièce falsifiée est retirée par la partie qui voulait s'en servir, la procédure de faux incident civil est close, mais il n'en est pas ainsi de l'action publique qui peut être menée devant la juridiction répressive.
De même si la partie qui détient la pièce a été sommée de déclarer si elle entend s'en servir et si elle a donné une réponse négative, il n'en reste pas moins qu'une plainte peut être déposée contre celui que l'on prétend être l'auteur du faux, qu'il s'agisse de la partie elle-même ou d'un tiers. Dans le même sens, si l'inscription de faux est rejetée pour une irrégularité de procédure, le demandeur est toujours recevable à choisir la voie pénale pour faire établir l'existence du faux tant qu'il n'y a pas prescription.
2° Sursis à statuer du juge civil
39. – L'ancien article 250 du Code de procédure civile contenait une disposition permettant au demandeur en faux incident civil de se pourvoir par la voie criminelle contrairement à la règle générale "electa una via...". Le Nouveau Code de procédure civile n'a pas repris la même disposition. On doit donc en revenir au régime commun qui veut que lorsque le demandeur a choisi la voie civile, il ne peut ensuite bifurquer vers la voie pénale.
On peut toutefois objecter à cela "que l'action civile portée devant la juridiction répressive n'a pas le même objet que l'inscription de faux, laquelle constitue moins une action civile à proprement parler, qu'une action à fins civiles", (Solus et Perrot, op. cit., t. III, n° 175 in fine). Nous ne sommes pas convaincus par cette distinction et inclinons à penser que la règle electa una via n'est plus exclue et que le choix de l'action civile ferme la voie pénale.
40. – Dans cette perspective, la coexistence d'une action civile et d'une action pénale ne peut plus résulter que de poursuites engagées ou poursuivies par le Parquet parallèlement à une instance civile en cours. Cela réduit de beaucoup les risques de collision. D'autant que sur le plan de l'efficacité de la défense des intérêts particuliers, nous pensons que le faux incident civil est préférable à une plainte avec constitution de partie civile ; il est plus facile de s'attaquer à l'acte que de démontrer la culpabilité de tel faussaire.
Nous nous plaçons donc dans la seule hypothèse où une instruction pour faux est diligentée par le Parquet. Dans ce cas "il est sursis au jument civil jusqu'à ce qu'il ait été statué au pénal" (NCPC, art. 311). Ce n'est que l'application particulière de la règle selon laquelle le criminel tient le civil en état, posée à l'article 4 alinéa 2 du Code de procédure pénale.
41. – À la suite de la décision de sursis à statuer prononcée par le juge civil, l'instance civile ne peut être reprise qu'après qu'est intervenue sur la poursuite pénale, soit une ordonnance de non lieu, soit une décision définitive acquittant ou condamnant l'auteur présumé du faux.
Dans le cas d'ordonnance de non lieu ou d'acquittement, le
juge civil conserve tout pouvoir pour apprécier la fausseté de la pièce à
condition que la décision du juge répressif ne soit pas fondée sur la
constatation de la vérité de l'acte argué de faux. Si elle repose sur
l'insuffisance de preuve, ou sur l'absence d'intention coupable, ou, s'il y a
eu prescription de l'action, il n'y aurait pas contradiction entre la décision
du juge civil et celle du juge criminel. L'autorité de la chose jugée au pénal
ne s'opposerait pas à la constatation du caractère falsifié de l'acte devant la
juridiction civile (par exemple Cass.
req., 29 avr. 1874 : DP 1874, 1, p. 333. – Cass. crim., 25 juin 1881 : DP 1881, 1, p.
444. – 14 janv. 1888 : DP 1888, 1, p. 399).
En revanche si le juge pénal s'est formellement prononcé sur la fausseté de l'acte et a, par une décision passée en force de chose jugée, constaté la vérité ou la falsification de la pièce, le tribunal civil est tenu de suivre la décision du juge pénal. Il en est ainsi, même si, dans la poursuite pénale, les parties en cause au procès civil n'étaient pas présentes, ni représentées. Il est possible que le faux ne soit pas l'oeuvre du défenseur à l'inscription de faux qui est de bonne foi et qui n'a pas été mis en cause dans la poursuite pénale.
42. – La poursuite pénale du faux a, sur
l'exécution de l'acte authentique, un effet différent de l'inscription de faux.
L'article 1319, alinéa 2 du Code civil dispose en effet : "en cas de
plainte en faux principal, l'exécution de l'acte argué de faux sera suspendue
par la mise en accusation ; et en cas d'inscription de faux faite incidemment,
les tribunaux pourront, suivant les circonstances, suspendre provisoirement
l'exécution d' l'acte".
La plainte en faux entraîne donc automatiquement suspension de l'exécution, mais seulement à partir de la mise en accusation ( Cass. 2e civ., 27 févr. 1974 : Bull. civ. II, n° 73. – 10 oct. 1979 : Bull. civ. II, n° 234). Le faux incident laisse aux tribunaux un pouvoir d'appréciation en opportunité.
3° Exceptions au sursis à statuer
43. – Malgré l'ouverture de poursuites pénales, le juge civil n'est pas tenu de surseoir à statuer, s'il estime que le procès peut être jugé sans faire état de la pièce arguée de faux ( NCPC, art. 312 in fine. – Rappr. art. 307, al. 1 et 313, al. 1). C'est l'application d'une règle générale que l'allégation du faux, quelle que forme qu'elle revête, ne doit pas retarder l'instance principale lorsque l'acte suspecté n'a pas d'incidence sur la solution du procès dans lequel il est produit, ce qui n'est que la traduction du simple bon sens.
44. – Un arrêt ancien avait jugé que sur une
demande en validité de surenchère, le procès-verbal de saisie immobilière étant
argué de faux, et une poursuite criminelle étant exercée, le juge saisi de la
validité de la surenchère n'était pas tenu de surseoir à statuer s'il estimait
que l'irrégularité du procès-verbal de saisie ne pourrait exercer en toute
hypothèse aucune influence sur la validité de la surenchère ( Cass.
req., 11 juin 1845 : DP 1845, 1, p. 368).
De même, il avait été admis que la plainte en faux principal
contre le procès-verbal de saisie immobilière n'obligeait pas le tribunal à
surseoir à statuer sur la demande en nullité de la saisie, dans le cas où les
moyens de nullité de l'instance civile étaient étrangers aux moyens servant de
fondement à la plainte et où le délai pour opposer tout moyen de nullité était
expiré ( CA Pau, 3 déc. 1856 : DP 1857, 2, p. 58).
45. – Par contre la Cour d'appel de Pau a jugé (1re ch., 26 juill. 1990 : Juris-Data n° 044879) qu'il convenait de surseoir à l'adjudication, en cas d'une plainte avec constitution de partie civile pour faux par des créanciers inscrits, concernant leur qualité prétendue de porteurs de parts de la société saisie, alors que cette prétendue qualité les empêchait de participer aux enchères. Le renvoi de l'adjudication a été prononcé sur le fondement de l'article 703 du Code de procédure civile. il l'aurait été aussi bien, sinon mieux, sur le fondement de l'article 312 du Nouveau Code de procédure civile alors que l'adjudication était renvoyée sine die. – Le résumé de l'arrêt ne permet pas de savoir comment la cour d'appel a pu intervenir alors que le jugement rendu sur le fondement de l'article 703 par le tribunal de grande instance n'est susceptible d'aucun recours et que la durée du renvoi est limitée à soixante jours.
46. – Si les parties ont consenti une renonciation ou une transaction sur le faux, l'article 311 du Nouveau Code de procédure civile autorise le Ministère public à requérir toutes mesures propres à réserver l'exercice de la poursuite pénale ; ce peut être par exemple une mesure de séquestre de l'acte litigieux pour éviter qu'il ne disparaisse. Qu'il soit mis fin à l'instance civile par la volonté des parties en cause ne doit pas empêcher que le faux soit poursuivi pénalement.
47. – La Cour de cassation a admis que l'article 312 du Nouveau Code de procédure civile n'est pas applicable devant le juge de l'exécution dans les circonstances suivantes ( Cass. 2e civ., 18 févr. 1999 : Bull. civ. II, n° 35) : le Crédit foncier de France avait consenti un prêt par acte notarié à une société pour l'acquisition d'un immeuble. Sur le fondement de cet acte, il avait pratiqué une saisie-attribution sur les loyers produits par l'immeuble. la société acquéreur ayant déposé une plainte pour faux et usage de faux visant l'acte, a saisi le juge de l'exécution pour demander qu'il soit sursis à la saisie-attribution jusqu'à ce qu'il ait été statué sur le faux par la juridiction répressive. Le sursis a été refusé par le juge du fond et le pourvoi contre sa décision a été rejeté comme il est dit ci-dessus.
Acte d'inscription de faux
II. –1° Préalable de l'inscription de faux
48. – Que le faux soit un faux incident ou un faux principal, la procédure est précédée d'un acte par lequel le demandeur déclare s'inscrire en faux contre un acte authentique. Cette déclaration souligne la gravité de la démarche, et l'acte d'inscription de faux donne son nom à la procédure parce qu'il lui est spécifique ; il n'existe pas lorsque le faux est poursuivi contre une écriture privée. La demande est irrecevable si elle n'a pas été précédée d'un tel acte.
49. – cet acte est déposé au greffe du tribunal de grande instance ou de la cour qui ont une compétence exclusive en cette matière (NCPC, art. 286). Si l'incident de faux se produit devant une juridiction d'exception, celle-ci doit surseoir à statuer sur l'action principale dont elle est saisie, jusqu'au jugement sur le faux (NCPC, art. 313) à moins qu'elle puisse juger sans prendre en compte la pièce.
50. – La cour d'appel est compétente si l'incident de faux est soulevé au niveau du second degré de juridiction, sans retourner devant le tribunal de grande instance, du fait de sa plénitude de juridiction. Le jugement rendu par le tribunal de grande instance saisi de la question préjudicielle peut être frappé d'appel et dans ce cas le sursis à statuer de la juridiction d'exception se poursuivra jusqu'à ce que la cour ait vidé l'appel.
L'action principale est nécessairement portée devant le tribunal de grande instance, sauf à frapper ensuite d'appel le jugement qu'il rendra.
51. – L'incident peut être soulevé pour la
première fois devant la cour de cassation. Cette dernière en connaît selon une
procédure particulière décrite aux articles 1028 à 1031 du Nouveau Code de
procédure civile (V. infra n° 100
et s.).
2° Forme et contenu de l'acte d'inscription de faux
52. – L'inscription de faux est formalisée en un acte remis au greffe du tribunal de grande instance – ou de la cour d'appel – par la partie elle-même ou par un mandataire.
Ce mandataire sera le plus souvent l'avocat ou l'avoué. Il
doit être muni d'un pouvoir spécial, ce qui souligne la gravité de la démarche.
Au surplus cette exigence n'entre pas dans le champ de l'article 417 du Nouveau
Code de procédure civile qui dispose que "la personne investie d'un
mandat de représentation en justice est réputée, à l'égard du juge et de la partie
adverse, avoir reçu pouvoir spécial de faire ou accepter un désistement,
d'acquiescer, de faire, accepter ou donner des offres, un aveu ou un
consentement". L'inscription de faux faite par un avocat ou un avoué
sans pouvoir spécial est donc nulle et cela entraîne la nullité de la procédure
qui suit, Il s'agit d'une nullité de fond (sous le régime antérieur V. Cass. civ., 31 déc. 1950 : D. 1951, 1, p.
286). Une déclaration contenue par exemple dans des conclusions ne saurait
se substituer à l'acte de déclaration de faux ( Cass. civ., 30 juill.
1913 : DP 1917, 1, p. 62. – Cass.
1re civ., 17 juin 1959 : Bull. civ. I, n° 303).
Le dépôt de l'acte daté et signé par le greffier a la nature d'un acte authentique.
53. – L'acte d'inscription de faux doit
articuler avec précisions les moyens que la partie invoque pour établir le
faux (NCPC, art. 306, al. 2).
"Une simple énonciation globale serait insuffisante. Si par exemple il
s'agit d'un faux matériel, le demandeur doit indiquer en quoi consiste le faux
(raturage, grattage, surcharge, etc.) et, en cas de faux intellectuel, les
faits qui tendent à établir la fausseté des énonciations contenues dans l'acte
litigieux", (Solus et Perrot, op. cit. t. III, n° 694). Cette
énonciation des moyens dès l'acte d'inscription est indicative, car la partie
peut présenter des moyens additionnels ( CA Montpellier, 19 oct. 1932
: S. 1933, p. 290 ; Gaz. Pal. 1933, 1, p. 68) et le juge peut en relever
d'office (NCPC, art. 309, V. infra n°
61).
Dans l'ancienne procédure, l'inscription de faux ne contenait pas l'indication des moyens, ceux-ci n'étant exposés qu'après le premier jugement sur la recevabilité de la demande. Mais l'article 229 ancien était plus exigeant à cette phase, car il exigeait que les moyens du faux contiennent "les faits, circonstances et preuves par lesquels le demandeur prétend établir le faux ou la falsification". La jurisprudence ancienne ne peut être utilisée qu'avec circonscription.
54. – Les suites données à l'inscription de faux diffèrent selon qu'il s'agit d'un faux incident devant la juridiction de droit commun, devant une juridiction d'exception, ou un faux principal. Nous les décrirons avec chacune de ces procédures.
Procédure de faux incident devant le tribunal de grande instance ou la cour d'appel
III. –1° Dénonciation de l'acte d'inscription de faux au défendeur
55. – Le dépôt de l'acte d'inscription de
faux est établi en deux exemplaires : l'un est versé immédiatement au dossier
de l'affaire, l'autre est remis au demandeur en faux (NCPC, art. 306, al. 3). C'est le juge
saisi au principal qui statuera sur l'incident de faux. le demandeur dénonce
l'acte d'inscription à son adversaire par acte du palais, dans le mois de cet
acte. Lorsque la dénonciation de l'inscription de faux au défendeur n'a pas été
faite dans le délai prévu à cet effet par l'article 306, le tribunal peut
passer outre à l'incident et statuer au vu de la pièce arguée de faux ( Cass.
2e civ., 25 mai 2000, pourvoi n° 498-20-320 : Juris-Data n° 002425).
Le pouvoir exigé par l'article 306 du Nouveau Code de
procédure civile doit accompagner la déclaration d'inscription de faux à peine
d'une irrecevabilité qui ne peut être couverte par sa production en cours
d'instance ( Cass. 2e civ., 13 juill. 1999, Venezia : Juris-Data n° 002927).
56. – Le texte ne précise pas quelle est la
sanction de l'inobservation du délai d'un mois contrairement à ce qu'il en est
lorsque l'incident est soulevé devant une juridiction d'exception, où
l'assignation doit être délivrée devant le tribunal de grand instance dans le
délai d'un mois à peine de nullité. Il faut admettre que ce délai n'est
pas sanctionné par application de la règle "pas de nullité sans
texte". Cela n'a pas de conséquence, car le demandeur à l'incident a
intérêt à dénoncer au plus tôt l'incident à l'autre partie pour éviter que
l'instance principale se poursuivre. La Cour de cassation a décidé que le délai
d'un mois est prescrit à peine de caducité ( Cass. 2e civ., 26 nov.
1998 : Juris-Data n° 004655. – 13 juill. 1999, préc.).
57. – Il faut observer que le demandeur à l'incident n'est pas tenu à faire sommation à son adversaire d'avoir à déclarer s'il entend ou non se prévaloir de l'acte litigieux, alors que cette sommation est requise lorsqu'il s'agit d'une action principale en faux (V. infra n° 96) ou d'un incident devant une juridiction d'exception (V. infra n° 80). Le législateur a sans doute pensé que c'était inutile, puisque la pièce avait été versée aux débats, ce qui avait déclenché l'inscription en faux, et que cela révélait suffisamment l'intention de l'autre partie d'en faire état. Mais la partie ayant produit la pièce, instruite des moyens du faux par l'acte d'inscription, aura toujours la faculté de la retirer des débats. L'inscription de faux deviendra de ce fait sans objet.
2° Instruction de la demande
58. – La procédure de l'incident se déroule devant le tribunal de grande instance – ou la cour d'appel – suivant les formes ordinaires.
Le juge peut adopter l'une des trois solutions suivantes :
59. – 1° Il est possible qu'il puisse se
prononcer sur le fond de l'affaire principale, sans avoir à considérer la pièce
arguée de faux. Dans ce cas l'article 307, alinéa 1er du Nouveau Code de
procédure civile lui permet de rendre sa décision sans avoir à se prononcer sur
le faux ( Cass. 1re civ., 7 juin 1978 : Gaz. Pal. 1978, 2, somm. p.
337. – Cass. crim., 7 mars 1996 :
Juris-Data n° 001813).
60. – 2°. – Si la pièce arguée de faux n'est
relative qu'à certains chefs de la demande pouvant être détachés et réservés,
le juge peut statuer sur les autres chefs de demande sans attendre que
l'incident soit vidé (art. 307, al.
2).
61. – 3°. – Si la pièce est nécessaire à la solution de l'ensemble de l'instance principale, le juge devra statuer sur le faux préalablement à la demande principale. Les articles 308 et 309 du Nouveau Code de procédure civile renvoient alors à la procédure de vérification d'écriture.
Dans ce cas, même si aucun texte ne l'y oblige, il statue d'abord sur l'incident de faux par un jugement séparé avant de statuer sur le fond, ce que commande une bonne méthode.
62. – Il se peut que le juge puisse former sa
conviction immédiatement "au vu des éléments dont il dispose", (art. 380, al. 1) sans mesure
d'instruction. Il y a des cas où le faux "saute aux yeux". Inversement
il peut rejeter de plano l'allégation de faux si celle-ci lui paraît à
l'évidence sans fondement et relever de la pure chicane ( Cass. 2e
civ., 17 nov. 1977 : Bull. civ. II, n° 220. – 7 juin 1978 : Gaz. Pal. 1978, 2,
somm. p. 337). L'appréciation du juge du fond est souveraine à cet égard (
Cass. 2e civ., 17 nov. 1977 préc.).
63. – Mais le plus souvent, le tribunal aura recours à une mesure d'instruction : enquête, expertise, comparution personnelle des parties.
Le Nouveau Code de procédure civile assimile l'instruction
du faux en matière d'actes authentiques à celle de la vérification des
écritures privées (art. 308, al. 2).
Toutefois cette assimilation de principe laisse subsister un certain nombre
d'adaptations en ce qui concerne les modalités de l'instruction (V. infra n° 64 s.).
64. – Une remarque générale s'impose au sujet des pouvoirs du juge : celui-ci n'est pas lié par les moyens articulés par les parties et il peut relever tout moyen d'office (art. 309); pas seulement des moyens de droit selon la règle générale de l'article 12, mais des moyens de faits et de preuves. le juge dispose donc des plus larges pouvoirs pour se forger une conviction sur la fausseté de la pièce.
La remarque doit être mise en parallèle avec l'obligation qui est faite au demandeur d'énoncer ses moyens dans l'acte d'inscription de faux (V. supra n° 53). Le juge n'est pas lié par cette énonciation émanant de la partie demanderesse.
Nous allons passer en revue les particularités de certaines mesures d'instruction quant à la vérification du faux : enquête, expertise, aveu.
a) Enquête
65. – La fausseté de l'acte peut être établie par témoins en la forme ordinaire des enquêtes. Il y a lieu, en cette matière sensible, de se défier des attestations écrites, encore qu'aucun texte ne les prohibe.
Une particularité de l'allégation de faux contre un acte
notarié, réside en ce que le notaire doit, en certaines circonstances, (pour le
testament authentique par exemple) être assisté de témoins appelés
instrumentaires (Il en est également ainsi pour l'acte de mariage dressé par
l'officier de l'état civil). Ces témoins instrumentaires peuvent être entendus
dans l'enquête d'instruction du faux ( Cass. req., 12 nov. 1856 : DP
1857, 1, p. 59). S'ils viennent déclarer sous serment qu'ils n'assistaient
pas à l'acte argué de faux, le juge conserve un pouvoir d'appréciation devant
ces témoignages discordants et de ce fait sujets à caution. Il peut exiger que
le second témoignage contraire soit corroboré par des éléments et des
circonstances particulières ( CA Paris, 2 mars 1959 : JCP N 1960, II, p. 11391, note Voirin ; D.
1959, p. 306 ; S. 1959, p. 138).
66. – Le témoignage judiciaire du témoin
instrumentaire peut être plus nuancé. Tel est le cas lorsque le témoin affirme
que le testateur n'a pas, à proprement parler, dicté ses dispositions, mais
s'est contenté de répondre par oui ou non aux questions que lui adressait le
notaire. Une telle déclaration des témoins instrumentaires a pu amener le juge
à déclarer fausses les constatations du notaire consignées dans l'acte (
Cass. req., 15 juin 1911 : DP 1913, 1, 382. – CA Riom, 8 janv. 1951 : D. 1951, p. 211).
67. – L'officier public ayant dressé l'acte,
s'il n'est pas partie à l'instance, peut être entendu comme témoin (art. 304). Il est même le témoin
privilégié. S'il est partie, le tribunal pourra ordonner sa comparution
personnelle ( Cass. req., 28 nov. 1898 : DP 1899, 1, p. 273).
b) Expertise
68. – Les règles de l'expertise en matière de faux sont celles de la vérification d'écriture. Le juge est libre dans le choix des experts, et il peut n'en désigner qu'un seul. Pour le surplus, l'expertise obéit au droit commun des articles 143 à 178 et 232 à 284 du Nouveau Code de procédure civile.
Un arrêt de la Cour d'appel de Pau du 27 novembre 1978 a
décidé que l'expertise graphologique échapperait à la nécessité du
contradictoire en raison de sa spécificité. Cette décision a été critiquée à
juste titre et doit être rejetée (obs. crit. R. Perrot : RTD civ. 1980, p.
434 ; Gaz. Pal. 1979, 1, p. 125, note crit. RD).
69. – Quand il s'agit d'un faux matériel,
l'expert (ou les experts) peut faire porter ses investigations sur des pièces
de comparaison, dont le choix est laissé à la discrétion du juge (art. 288).
Le juge qui décide de se passer d'une expertise peut lui-même s'adonner à la comparaison.
c) Aveu
70. – On a pu douter que l'aveu soit
recevable comme preuve de la fausseté d'un acte authentique au motif que la
sincérité d'un tel acte intéresse l'ordre public (Glasson, Tissier et Morel,
Traité théorique et pratique d'organisation judiciaire, de compétence et de
procédure civile, t. II, n° 642, p. 750-751, Sirey, 1926). Cette opinion ne
peut être suivie ; ce qui intéresse l'ordre public, c'est le faux en tant
qu'infraction pénale. La reconnaissance du faux portant sur la preuve d'une
obligation civile s'insère dans les rapports privés, où les parties sont
maîtresses de leurs droits. Le bien-fondé de cette distinction est apporté par
les dispositions de l'article 311 du Nouveau Code de procédure civile, qui
admet qu'une transaction puisse intervenir sur l'inscription de faux, en
permettant dans ce cas au ministère public de "requérir toutes mesures
propres à réserver l'exercice des poursuites pénales" (Cf. Solus et
Perrot, op. cit. t. III, n° 712).
3° Communication au ministère public
71. – À la différence des demandes en vérification d'écritures privées, toute inscription de faux contre un acte authentique doit être communiquée au ministère public (art. 303). Cette règle est commune à l'incident de faux et à l'action principale en faux.
La règle est traditionnelle ; elle est justifiée par la gravité d'une telle contestation qui met en cause la crédibilité d'un acte public et qui est susceptible d'entraîner des poursuites criminelles. Le ministère public intervient en cas de transaction entre les parties privées (V. supra n° 70). Le législateur a voulu éviter que la transaction n'aboutisse à faire disparaître les traces d'un faux criminel et ne permette au coupable d'échapper aux sanctions pénales. Le procureur peut demander notamment la séquestration de l'acte argué de faux.
Il en est de même en cas de désistement du demandeur en
faux (art. 311).
4° Le jugement et ses conséquences
a) Appel du jugement
72. – Le jugement qui statue sur une inscription de faux présente tous les caractères d'un jugement contentieux sur le fond ayant l'autorité de la chose jugée. Il peut faire l'objet d'un appel indépendamment du jugement statuant au principal.
La détermination du taux du ressort pose problème. Lorsqu'il
s'agit d'une inscription de faux incidente, il est généralement admis que le
taux du ressort dit s'apprécier en fonction du montant de la demande principale
( CA Lyon, 28 juin 1951 : D. 1951, p. 746, et pour une
vérification d'écriture Cass. req.,
12 juill. 1911 : DP 1913, 1, p. 13 ; S. 1914, 1, p. 29).
b) Le jugement déclare la pièce fausse
73. – La pièce déclarée fausse perd sa force probante, et puisqu'il s'agit d'un acte authentique, sa force exécutoire. En outre le Nouveau Code de procédure civile contient des dispositions de nature à neutraliser l'acte pour l'avenir. L'article 310 ordonne que le jugement déclarant le faux établi soit mentionné en marge de l'acte et que celui-ci soit, ou bien réintégré dans les minutes d'où il avait été extrait, ou bien conservé au greffe. Le choix entre ces deux solutions doit être mentionné dans le jugement même.
Ces mesures ne seront prises qu'après que le jugement est passé en force de chose jugée, ou que la partie condamnée y a acquiescé. Il en résulte que le pourvoi en cassation n'est pas suspensif, contrairement à ce qu'il en était sous le régime de l'ancien Code de procédure civile.
c) Le jugement rejette l'inscription de faux
74. – Si l'inscription de faux a été rejetée, l'acte conserve sa force probante et exécutoire avec une autorité accrue provenant de l'autorité de la chose jugée.
Toutefois cette autorité n'est que relative aux parties à l'instance (C. civ., art. 1351). Elle s'oppose à ce que la sincérité de l'acte soit remise en question entre les parties. Un nouveau moyen de faux ne saurait être assimilé à une cause différente ; la cause du jugement étant le faux et non chacun des moyens de faux. Mais elle ne s'oppose pas à ce que l'acte soit à nouveau contesté par un tiers auquel il serait ultérieurement opposé.
75. – Le demandeur en faux qui succombe est condamné à une amende civile de 100 à 10 000 francs (Ord. n° 2000-916, 19 sept. 2000, de 15 euros à 1 500 euros, à compter du 1er janv. 2002) (art. 305). La condamnation à l'amende est obligatoire pour le juge. En outre il peut être condamné à des dommages-intérêts envers l'autre partie.
76. – En ce qui concerne l'amende civile, on ne peut que s'en tenir à la lettre du texte qui exige la succombance pour qu'elle soit encourue, alors que l'ancien article 247 du code assimilait le désistement à la succombance. En cas de désistement volontaire du demandeur en faux, celui-ci ne peut être condamné à l'amende civile ; mais rien ne s'oppose à ce qu'il soit condamné à des dommages-intérêts.
Il doit en être de même s'il est passé outre à l'inscription
de faux qui n'a pas été dénoncée dans le délai d'un mois ( art. 306
dernier al. – Cf. Solus et Perrot, op. cit. t. III, n° 719).
77. – Les dommages-intérêts sont réclamés par la partie adverse à qui le faux a été opposé. La condamnation doit être fondée sur les principes généraux de la responsabilité civile : elle doit être justifiée par la constatation d'un préjudice souffert par la partie au profit de laquelle la condamnation est prononcée comme conséquence directe d'une faute de l'autre partie. Le préjudice peut résulter du retard subi par l'instance sur laquelle s'est greffé l'incident de faux et de l'atteinte à l'honneur et à la considération du défendeur accusé d'avoir commis ou d'avoir fait usage d'un document falsifié.
La faute pour le demandeur consiste à avoir suscité
l'incident de faux par pure chicane, ou même simplement avec légèreté ( Cass.
1re civ., 31 mai 1949 : JCP G
1949, IV, p. 109 ; Bull. civ. I, n° 194).
78. – Des dommages-intérêts peuvent être
alloués non seulement au défendeur du faux, mais aussi à l'officier public
ayant reçu l'acte argué de faux, si cet officier public est intervenu dans la
procédure et a pris des conclusions à cet effet ( Cass. req. 24 avr.
1840 : D. rép., V° Faux incident, n° 257-4°).
La réparation du préjudice peut consister en la publication dans la presse du jugement ayant rejeté l'inscription de faux.
79. – Le défendeur à l'inscription de faux qui a succombé, le faux ayant été établi, peut de son côté être condamné à payer des dommages-intérêts à son adversaire sur le fondement de l'article 1382 du Code civil. La faute consiste à avoir produit en connaissance de cause une pièce fausse ; le préjudice consiste à avoir subi un procès fondé sur la fausse pièce.
Incident soulevé devant une juridiction d'exception
IV. –
80. – Une juridiction d'exception n'est pas compétente pour connaître de l'inscription en faux à titre incident, et celle-ci va être portée, comme question préjudicielle devant le tribunal de grande instance, selon la procédure qui va être décrite.
81. – Le faux est d'abord allégué devant la juridiction qui connaît de l'action principale dans les formes propres à la procédure suivie devant cette juridiction : conclusions, déclaration orale ; cette allégation est accompagnée d'une demande de sursis à statuer pour permettre de saisir le tribunal de grande instance.
82. – La juridiction d'exception n'est pas tenue de surseoir à statuer dans tous les cas. Elle peut passer outre en écartant des débats la pièce litigieuse, lorsqu'il peut être statué sans la prendre en compte (art. 313, al. 1er). Il semble également qu'on puisse faire application en cette occurrence du 2e alinéa de l'article 307 du Nouveau Code de procédure civile : si l'acte argué de faux n'est relatif qu'à un des chefs de demande, il peut être statué sur les autres sans désemparer (Solus et Perrot, op. cit. t. III, n° 706; V. supra n° 59). Par contre la juridiction d'exception ne peut apprécier le sérieux de l'allégation de faux. Elle est obligée de surseoir à statuer alors que les conditions d'existence d'une question préjudicielle sont remplies, c'est-à-dire si la pièce contestée peut avoir une incidence sur la décision.
83. – Dans le mois de la décision de sursis à
statuer, l'acte d'inscription de faux doit être remis au greffe du
tribunal de grande instance. Faute de quoi, il est passé outre à l'incident et
l'acte litigieux est réputé reconnu entre les parties (Pour l'inscription de
faux, V. supra n° 52).
84. – Pour la procédure qui suit l'inscription
de faux, l'article 313 renvoie à celle de l'inscription de faux principale,
c'est-à-dire aux articles 314 à 316 du Nouveau Code de procédure civile (V. infra n° 92 et s.).
L'action est introduite devant le tribunal de grande instance par une assignation. Celle-ci doit intervenir dans le mois de l'inscription de faux. Si ce délai n'est pas respecté, l'inscription est frappée de caducité ( art. 314 in fine). Ces deux délais successifs d'un mois – l'un pour l'acte d'inscription, l'autre pour l'assignation – empêchent que l'incident ne retarde par trop la solution de l'instance principale, puisque dans les deux mois qui suivent le sursis à statuer, il faut que l'assignation devant le tribunal de grande instance ait été délivrée.
Une copie de l'acte d'inscription est jointe à
l'assignation (art. 314, al. 2).
85. – Le Nouveau Code de procédure civile n'indique pas le tribunal de grande instance territorialement compétent (Cf. art. 286). On peut hésiter entre le tribunal du lieu où demeure le défendeur à l'incident, conformément au droit commun de l'article 42 du Nouveau code, ou celui dans le ressort duquel est située la juridiction devant laquelle l'incident a été soulevé. "À défaut de disposition spéciale, la première solution semble la plus rationnelle, sinon la plus pratique" (Solus et Perrot, op. cit. t. III, n° 705). Il faudra que la jurisprudence nous dise si le pratique doit l'emporter sur la rationalité ou le contraire.
86. – L'alignement de la procédure de cette
question préjudicielle sur celle de l'inscription de faux principale fait que
l'assignation contient sommation, pour le défendeur, de déclarer s'il entend ou
non faire usage de l'acte prétendu faux ou falsifié (art. 314, al. 2). L'utilité de cette
sommation n'apparaît pas évidente dans ce cas, car si la partie a produit la
pièce dans l'instance principale devant la juridiction d'exception, c'est
qu'elle entend s'en servir. Quoiqu'il en soit, sur les effets de la réponse
donnée à cette sommation, il y a lieu de se reporter à l'inscription de faux
principale (V. infra n° 96).
87. – Pour la résolution de la question préjudicielle de faux, les moyens de preuves et le pouvoir d'appréciation du tribunal sont les mêmes que dans le cas du faux incident soulevé devant le tribunal de grande instance (V. supra n° 58 et s.). Nous rappelons qu'il est renvoyé à ce sujet aux règles de la vérification d'écriture des articles 287 à 294 du Nouveau Code de procédure civile.
La procédure suivie devant le tribunal de grande instance est la procédure ordinaire propre à cette juridiction.
88. – Le jugement a les mêmes effets et il obéit
aux mêmes règles que le jugement rendu en matière de faux incident soulevé
devant le tribunal de grande instance ( art. 313, renvoyant à l' art.
316, se référant lui-même à l' art. 310. – ce jeu de renvois et de
références a été critiqué sur le plan de la méthode; Cf. Solus et Perrot,
op. cit., t. III, n° 689, note 4).
Inscription de faux à titre principal
V. –1° Compétence
89. – L'action principale en faux est une
innovation du décret du 17 décembre 1973, introduite dans le Nouveau Code de
procédure civile sous les articles 314, 315 et 316 (sur l'historique de cette
action, Cf. Solus et Perrot, op. cit., t. III, n° 698).
90. – Seul le tribunal de grande instance est compétent pour connaître de cette action (art. 286, al. 2); cette compétence est exclusive.
Le tribunal territorialement compétent est celui du domicile du défendeur suivant la règle générale de l'article 42 du Nouveau Code de procédure civile qui n'est écartée par aucun texte particulier. Encore faut-il d'abord déterminer qui va être défendeur.
2° Défendeur
91. – L'action principale en faux ne survient pas à l'occasion d'un procès où l'une des parties produit une pièce que l'autre partie argue de faux ; c'est une action préventive qui est faite à l'acte plutôt qu'à une personne dénommée. Pourtant il faut un défendeur. Qui sera-t-il ?
Celui qui sera choisi comme défendeur par le demandeur qui prend l'initiative de l'action sera une personne susceptible de se prévaloir de l'acte : bénéficiaire d'un testament, de la condamnation portée par un jugement, créancier en vertu d'un acte notarié, requérant d'un acte d'huissier de justice, etc. Ce défendeur n'est d'ailleurs qu'éventuel puisqu'il sera sommé de déclarer s'il entend se prévaloir ou non de l'acte prétendu faux ou falsifié.
3° Introduction de la demande
92. – Comme pour le faux incident, la demande
doit être précédée d'un acte d'inscription de faux (V. supra n° 48).
93. – Cet acte d'inscription de faux sera
suivi, dans le mois, de l'assignation devant le tribunal de grande instance. À
défaut d'assignation dans ce délai l'acte d'inscription de faux devient
caduc (NCPC, art. 314, al. 3).
94. – À l'assignation doit être jointe la copie de l'acte d'inscription de faux.
L'absence de notification de l'acte d'inscription de faux au défendeur constitue une cause de nullité de l'acte d'assignation pour vice de forme. L'annulation n'est prononcée que si le vice cause un grief au requis (NCPC, art. 114). Il convient de rappeler que l'acte d'inscription de faux contient les moyens du faux. Le fait que le défendeur ne soit pas informé de ces moyens lui causerait à l'évidence un grief. Mais si ces moyens sont repris dans l'assignation et que celle-ci vise l'acte d'inscription de faux, l'assignation peut échapper à l'annulation.
Une assignation qui ne serait pas précédée d'une inscription
de faux serait irrecevable, car l'action ne peut être introduite que par
l'inscription de faux, et l'omission de cette inscription entraîne le défaut du
droit d'agir (NCPC, art. 112. – TGI
Paris, 1re ch., sect. 1, 14 mars 1990 : Juris-Data n° 041929).
95. – L'assignation doit contenir une sommation faite au défendeur de déclarer s'il entend ou non se servir de l'acte prétendu faux (art. 314, al. 2). Cette sommation est ici pleinement justifiée contrairement à ce qu'il en est dans le faux incident devant une juridiction d'exception (V. supra n° 86). L'action étant préventive (V. supra n° 91), elle devient inutile si la personne contre qui elle est dirigée n'entend pas se prévaloir de l'acte attaqué. Le tribunal donne dans ce cas acte au demandeur de la réponse négative du défendeur et l'instance en reste là. Désormais le défendeur ne peut plus se prévaloir de l'acte litigieux à l'encontre de son adversaire.
Mais cette renonciation ne vaut que pour celui dont elle émane, et une autre personne pourrait se prévaloir de la pièce. Il faudrait alors que le demandeur reprenne l'action à l'encontre de celui qui entendrait faire usage de l'acte.
96. – Si le défendeur déclare vouloir se servir
du document litigieux, la procédure continue alors comme en matière de
vérification d'écriture et de faux incident. L'article 316 renvoie aux articles
287 à 294 et 309 à 312 (V. supra n°
55 et s.).
Si le défendeur ne comparaît pas, sa défaillance est assimilée à une réponse positive, même si l'assignation n'a pas été délivrée à personne, et la procédure continue en son absence, le jugement qui sera rendu étant réputé contradictoire. Le tribunal peut toujours ordonner qu'il soit réassigné.
97. – La réponse du défendeur se fait par conclusions, à défaut d'indication contraire du texte. Aucun délai n'est prévu. Il faut admettre que cette réponse puisse être donnée à tout moment de la procédure jusqu'à l'ordonnance de clôture. Le juge de la mise en état pourrait intervenir pour fixer un délai.
98. – Il résulte de la combinaison des articles
300 et 395 du Nouveau Code de procédure civile qu'une demande de faux peut être
formée à titre principal, même si elle vise un écrit déjà produit en justice et
contre lequel un incident de faux n'a alors pas été élevé ( Cass. 2e
civ., 10 juill. 1996 : Bull. civ. II, n° 203; JCP G 1996, IV, n° 2081 ; D. 1996, inf.
rap. p. 218 ; Gaz. Pal. 19 avr. 1997, Panor. p. 88 ; RTD civ. 1996, p. 984,
obs. R. Perrot).
99. – Les modes d'établissement du faux se font
de la même façon que dans la procédure du faux incident, avec renvoi à celles
établies pour la vérification d'écriture
(V. supra n° 58 s.).
Le jugement sur le faux a les mêmes effets que ceux qui ont
été exposés à l'occasion du faux incident
(V. supra n° 72 s.).
Incident de faux soulevé devant la Cour de cassation
VI. –
100. – Un décret du 7 novembre 1979 est venu ajouter au Nouveau Code de procédure civile des dispositions relatives à la demande en faux devant la Cour de cassation. Ces dispositions figurent aux articles 1028 à 1031 du code. Elles dérogent aux articles 299 à 316 qui valent pour les juridictions du fonds et dont nous venons de décrire le régime ( CA Paris, 3 févr. 1987 : D. 1987, somm. p. 231, obs. P. Julien). Ces articles ne peuvent recevoir application devant la Cour de cassation que dans la mesure où elles ne sont pas contraires aux dispositions spéciales à cette cour.
1° Pièces pouvant être arguées de faux devant la Cour de cassation
101. – Aucune pièce nouvelle ne peut être
produite devant la Cour de cassation qui n'a pas été produite devant le juge du
fond. Le moyen fondé sur des pièces nouvelles est nouveau et comme tel
irrecevable (J. Boré, La cassation en matière civile, LGDJ 1985, n° 2530).
Or le faux des pièces déjà produites devant le juge du fond aurait dû être
dénoncé devant ce juge ; il constituerait devant la Cour de cassation un moyen
nouveau, comme tel irrecevable ( Cass. req., 29 nov. 1852 : DP 1853,
1, p. 301). Si la fausseté de la pièce n'a été révélée à la partie que
postérieurement à la décision en dernier ressort rendue par la juridiction du
fond, la voie de recours qui lui reste ouverte est celle de recours en
révision, et non du pourvoi en cassation ( Cass. soc., 29 sept. 1988
: Gaz. Pal. 1989, 1, somm. p. 161, obs. Guinchard et Moussa).
102. – Une dénonciation de faux faite devant
la Cour de cassation ne peut concerner que des pièces qu'il était impossible
d'arguer de faux devant le juge du fond, autrement dit des actes de procédure
intervenus à partir de la décision frappée de pourvoi, à savoir :
- le jugement ou l'arrêt attaqué;
- l'acte d'huissier de justice portant signification de ce jugement ou arrêt;
- l'extrait du registre d'audience que produit le défendeur au pourvoi pour réclamer
le bénéfice de l'article 459 du Nouveau Code de procédure civile si la nullité
du jugement ou de l'arrêt est alléguée;
- les actes de signification des mémoires produits devant la Cour de cassation
dont peut dépendre la recevabilité du pourvoi (cf. J. Boré préc. n° 99, n°
3143 et s.).
2° Procédure
103. – La procédure comporte deux phases principales : l'autorisation préalable du premier président et la déclaration du défendeur à l'incident s'il entend ou non se servir de la pièce contestée, déclaration qui commande la suite de l'incident.
a) Autorisation préalable du premier président
104. – La requête en faux incident est
adressée au premier président de la Cour de cassation et déposée au greffe (NCPC, art. 1028). Elle doit être
signée de l'avocat à la Cour de cassation si le ministère de celui-ci est
obligatoire dans l'instance principale (art.
1028, al. 2) ou autrement de la partie elle-même ou encore d'un mandataire
spécial. Elle doit indiquer les moyens sur lesquels se fonde l'inscription de
faux et être accompagnée des pièces qui la justifient (J. Boré, préc., n°
99, n° 3179).
105. – Le premier président répond à la requête par une ordonnance, après avis du procureur général (art. 1029). Soit il juge la demande recevable et pertinente et autorise le requérant à s'inscrire en faux, soit il la rejette et la procédure s'arrêté là, car son ordonnance est sans recours. Il peut en outre condamner le requérant à une amende civile dans les conditions prévues à l'article 628 du Nouveau Code de procédure civile. Le premier président exerce donc un contrôle sur le sérieux de l'incident de faux.
106. – Ce contrôle porte sur trois points :
- le premier président vérifie que la requête est recevable, par exemple quant
à l'acte argué de faux;
- il apprécie si les faits allégués sont vraisemblables;
- il examine si l'acte argué de faux est utile ou non au jugment du pourvoi.
On peut consulter, à titre d'exemple, une ordonnance du 11 janvier 1979 (Gaz. Pal. 1979, 1, p. 225, note Ancel) qui rejette la requête parce que l'inscription est dirigée contre les motifs d'un arrêt de cour d'appel et ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation des juges du fond dans les faits qui leur ont été soumis.
107. – L'ordonnance portant autorisation de
s'inscrire en faux, ensemble la requête, sont signifiées à la partie adverse
dans un délai de quinze jours, avec sommation de déclarer si elle entend se
servir de l'acte argué de faux (art.
1030). Le délai de quinzaine ne court que du jour où l'expédition de
l'ordonnance a été délivrée au demandeur à l'incident ( Cass. civ., 6
avr. 1813, cité par Faye, p. 291 et repris par J. Boré, n° 3184).
Le défendeur doit répondre dans un délai de quinze jours de la sommation (art. 1031, al. 1er). Sa déclaration doit être signée de lui ou de son avocat aux conseils ; elle est signifiée par acte d'huissier au demandeur ou à son avocat constitué.
b) Déclaration du défendeur à l'incident et ses suites
108. – Si le défendeur déclare qu'il
n'entend pas se servir de la pièce ou de la mention du jugement ou de l'arrêt
arguée de faux, la pièce ou la mention est rejetée du débat. La Cour de
cassation statuera donc sur le pourvoi en tenant compte de la disparition de
cette pièce ou de cette mention. Elle prononcera alors généralement
l'annulation de la décision objet du pourvoi ou de la procédure menée devant la
cour, alors que le premier président a autorisé l'inscription de faux parce
qu'il estimait que la légalité de la décision attaquée ou de la procédure de
cassation dépendent de la pièce ou de la mention litigieuse ( Cass.
2e civ., 6 juill. 1967 : Bull. civ. II, n° 250. – Cass. 3e civ., 4 juin 1971 : Bull. civ.
III, n° 358. – J. Boré, op. cit., n° 3186).
109. – Si le défendeur déclare qu'il entend
se servir de la pièce ou de la mention arguée de faux, ou encore s'il ne répond
pas dans le délai de quinze jours de la sommation, le défaut de réponse valant
une réponse positive tacite, le premier président, sur requête de la partie la
plus diligente, doit renvoyer les parties à se pourvoir devant la juridiction
qu'il désigne pour qu'il soit statué sur la demande en faux (art. 1031, al. 2).
Il a été jugé par la Cour de Paris (3 févr. 1987 : D. 1987, somm. p. 231, obs. P. Julien) que le premier président peut renvoyer devant une autre juridiction qu'un tribunal de grande instance, en l'espèce la Cour d'appel de Paris. Il s'agissait d'un pourvoi contre un jugement sur incident de saisie immobilière rendu par un autre tribunal de grande instance que celui de Paris, donc hors du ressort de la Cour de Paris. Le premier président dispose donc d'un pouvoir discrétionnaire pour renvoyer devant n'importe quel tribunal de grande instance ou cour d'appel de son choix. Le renvoi fait devant une cour d'appel prive le demandeur à l'incident d'user des deux degrés de juridiction.
110. – La Cour de cassation doit dans ce cas surseoir à statuer sur le pourvoi jusqu'au jugement sur le faux, par application de l'article 313 du Nouveau Code de procédure civile dont les dispositions complètent celles de l'article 1031.
Mais l'article 313 dispose qu'il n'est pas sursis à statuer si "la pièce litigieuse est écartée du débat lorsqu'il peut être statué sur le principal sans en tenir compte". Cette disposition ne peut guère s'appliquer à la Cour de cassation, car on voit mal la chambre saisie du pourvoi ne pas surseoir à statuer alors que le premier président a autorisé la partie à s'inscrire en faux (Cf. J. Boré, op. cit. n° 3190).